Chaque année, l’arrivée du printemps est très attendue : elle rime avec le gazouillement des hirondelles, les chemins embellis de mille couleurs florales, les vols de papillons… Mais aussi avec les premiers repas pris à l’extérieur ! Toutefois, une ombre vient systématiquement perturber l’enthousiasme et l’allégresse que suscite cette activité… Les guêpes et les frelons, qui nous insupportent d’autant plus lorsqu’ils sont qualifiés « d’asiatiques ». Pourtant, ni les guêpes ni les frelons (asiatiques ou européens) ne sont des animaux agressifs, bien qu’il leur arrive d’attaquer l’Homme lorsqu’ils se sentent menacés.

Frelon asiatique©Jean-Marie Chesné

L’équilibre des écosystèmes en jeu

Pour limiter les désagréments, l’une des méthodes les plus partagées est d’élaborer des pièges artisanaux (bières, sirops) ou commercialisés (piège véto pharma) afin de tenter, souvent en vain, de capturer des femelles fondatrices de frelon au printemps. Après la pose d’un piège, on est satisfait des quelques frelons ou guêpes capturés, sans jamais porter un regard sur les milliers d’autres insectes tués que l’on inscrira sur la liste anonyme des « dommages collatéraux ».

Des milliers de victimes collatérales

Cette technique se révèle pourtant totalement inefficace : chaque nid de frelon asiatique peut produire jusqu’à 500 femelles fondatrices1, et l’éradication d’une ou deux d’entre elles ne laissera qu’un peu plus de places à ses concurrentes. Une étude menée en Vendée en 2011 a montré que sur 485 nids recensés, 400 « pièges à frelons » n’ont permis de capturer qu’une dizaine de fondatrices2 !

Pire encore, pour un frelon asiatique capturé, 999 autres insectes sont tués, et ceux qui en pâtissent le plus sont généralement les petites mouches, pourtant si utiles à la redistribution de la ressource alimentaire dans nos écosystèmes3 ! En provoquant la mort d’un grand nombre d’insectes non ciblés, ces pièges participent à perturber l’équilibre des écosystèmes… Et l’on sait bien en écologie que les espèces qui profitent le plus des environnements perturbés sont les espèces exotiques envahissantes, comme le Frelon asiatique4 !

Plutôt que de persévérer dans des méthodes qui portent un sérieux coup à l’environnement tout en étant inefficaces sur le court terme et aggravent le problème sur le moyen terme, peut-être vaudrait-il mieux écouter la science et prendre du recul sur la gêne occasionnée par les hyménoptères (guêpes, abeilles, frelons…) dont les effectifs sont globalement en nette diminution… Sont-ils si nombreux et agressifs qu’une tapette à mouches ne suffit pas à passer un repas sereinement ? Si tel est le cas, et si le problème vient du frelon asiatique, il convient de se focaliser sur la seule méthode efficace jamais éprouvée pour repousser cette espèce : la destruction des nids avant la période de reproduction (octobre).

Nid de frelons asiatiques©Jean-Marie Chesné

Sources: 1 Rome, Q., Villemant, C. Le Frelon asiatique Vespa velutina – Inventaire national du Patrimoine naturel. In: Muséum national d’Histoire naturelle [Ed]. Site Web. http://frelonasiatique.mnhn.fr consulté le 16 février 2024  2 Q. Rome et al. Le piégeage du frelon asiatique Vespa velutina nigrithorax. Intérêts et dangers pp784-788   3 Goldarazena et al., 2015 Chasing the queens of the alien predator of honeybees: A water drop in the invasiveness ocean, pp185-191   4 Rome et al. 2011 Impact sur l’entomofaune des pièges a bière ou a jus de cirier dans la lutte contre le frelon asiatique

La protection des abeilles, cas d'exception

Le cas des producteurs de miel est sensiblement différent.

Pour les ruchers, la présence de frelons peut mettre en péril la survie des ruches, pas seulement par la prédation des frelons sur les abeilles, mais aussi et surtout par le phénomène de « paralysie de vol »: quand un frelon tourne autour d’une ruche, les abeilles restent dans un état de torpeur sans contribuer à l’approvisionnement de la ruche en nectar, réduisant considérablement les réserves pour l’hiver. Dans cet unique cas de figure on peut imaginer la mise en place de pièges à la bière ou au sucre, à sélection physique pour ne pas impacter d’autres espèces que le frelon asiatique, et dans un périmètre très restreint autour des ruches, tout en gardant à l’esprit que la capacité de ces pièges à réduire l’impact des frelons reste limitée et que les conséquences sur la biodiversité locale peuvent être grandes…

Il existe une autre méthode beaucoup plus efficace pour protéger la ruche de la paralysie de vol : la muselière de ruche, un dispositif grillagé qui éloigne les frelons de l’entrée de la ruche.